corrigé explication de texte bergson la pensée et le mouvant

Voicibeaucoup de lyrisme. Une explicationmoins survolée du texte est nécessaire. Bergson l’annonce dès la première phrase il s’agit de comprendre les enjeux qui se dégagent d’une mise en rapport de la pensée et de la matière. Ces deux variables étant interdépendantes il faut maintenant distinguer trois lieux où elles entrent en Maiscette durée que la science élimine, qu'il est difficile de concevoir et d'exprimer, on la sent et on la vit. Bergson, La Pensée et le Mouvant Ce corrigé est disponible sur bergson le langage explication de texte. comment se repentir de ses péchés islam bergson, le langage explication de texte May 31, 2022; job étudiant week end paris vendeuse ACTO Bolsters Executive Management Team to Meet Significant US Commercial Growth May 26, 2022; les bienfaits du sacrifice du mouton Regional Field Trainers: A Unique Training Opportunity May Commentairecorrigé du texte : Bergson, L'Energie spirituelle : "Conscience est synonyme de choix", proposé par béné.f (élève). Texte de Bergson, " Leçons de morale " - Annale corrigée de Philosophie Terminale L sur Annabac.com, site de référence. Explication Texte De Bergson. À ceux-là nous allons tout droit, à celle-ci nous ne venons que par un détour ; car c’est seulement Aperçudu corrigé : BERGSON. La Pensée et le Mouvant (P.U.F.). Commentaire. Publié le : 20/2/2012-Format: Zoom. Ce texte est extrait de La Pensée et le Mouvant (P.U.F.) pages 51-52. Dans la mesure où ce livre est composé d'essais et de conférences, les élèves qui désirent lire un texte de Bergson peuvent fort bien commencer par lire celui-ci. Le libellé du sujet indique le Site De Rencontre Quel Est Le Meilleur. Rédigé le 5 septembre 2007 1 minute de lecture travail en classe, note 6/7 Texte "Trop souvent nous nous représentons encore l'esperience comme destinée à nous apporter des faits bruts...Comme si le travail de généralisation consistait à venir, après coup, trouver un sens plausible à ce discours incohérent". Dans ce texte, la thèse est sous entendue. D'ailleurs c'est la thèse adverse qui est la plus développée. La thèse de Bergson apparaît plus clairement dans la troisième partie de l'extrait soit dans la dernière partie. Examinons donc la thèse qu'il réfute dans un premier temps . 1ère partie "Trop souvent nous nous représentons...observer en serait une autre" . A ce moment, Bergson expose le mode de pensée que beaucoup adoptent, "trop souvent" indique la remise en question entre autre car beaucoup croient que l'experience et l'intelligence d'une personne suffisent à répondre aux problèmes scientifiques. Ensuite Bergson réagit vivement à cela "rien de plus faux" dit-il car il est vain d'attendre "passivement" une parsonne capable de rassembler les faits correctement et en attendre alors qu'une vérité soir déduite. Finalement par une série d'exclamations et d'anaphores "comme si" on découvre la position de l'auteur "une observation scientifique est toujours la réponse à une question précise ou confuse." De plus il ajoute que sans observation scientifique les discours restent incohérents , ils n'auraient donc aucune valeur scientifique. La plateforme qui connecte profs particuliers et élèves Vous avez aimé cet article ? Notez-le ! Olivier Professeur en lycée et classe prépa, je vous livre ici quelques conseils utiles à travers mes cours ! L'analyse du professeur Merdre » l’interjection sans cesse vociférée par Ubu a de quoi surprendre. Souvent considérée comme un exemple du dangereux ridicule du tyran, cette transgression du langage n’est cependant pas anodine, et il ne serait pas étonnant que Jarry ait voulu par là signifier à quel point le langage traduit l’emprise de la représentation mentale sur le réel. Le merdre » de Ubu résonne comme le glas annonciateur d’une cruauté, le point de départ d’une colère dont l’insatisfaction se terminera par un acte d’autorité. Le langage serait-il en ce sens porteur d’une façon de voir et de comprendre le réel ? La façon dont l’homme appréhende le réel est-elle ainsi inscrite dans la manière dont il le désigne. C’est cette étroite parenté entre le langage et l’action qui fait l’objet du texte de Bergson qui est ici soumis à notre étude. Bergson pose plus particulièrement le problème de savoir si le langage est partial, et jusqu’à quel point il est possible de l’identifier à une description objective du réel. Loin de rejeter l’idée d’une naturalité du langage qui est ainsi un outil au service de la compréhension et de l’analyse du réel, Bergson précise pourtant cette thèse en montrant qu’elle n’est pas contradictoire avec une certaine forme de conventionnalisme des mots. Toutefois, ce conventionnalisme d’usage s’intègre pour lui plus largement dans une fonction utilitaire du langage, qui n’est jamais une description objective et passive de la réalité, mais toujours une façon de la saisir et la décrypter à partir d’une représentation des besoins de l’action humaine. Nous nous ainsi attacherons tout d’abord à analyser la manière dont Bergson définit le langage comme un acte de communication qui a pour but de décrire ou de prescrire afin d’optimiser la coopération entre les hommes. Nous en viendrons ensuite à montrer que cette coopération marque, aux yeux de Bergson, les mots d’un sceau utilitaire dont ils ne peuvent se départir lorsqu’ils participent d’une appréhension non utilitaire de la réalité. ... Résumé du document L'intuition est la méthode du bergsonisme. C'est par elle que Bergson a mené les recherches et obtenu les résultats que l'on sait, dans l'Essai sur les données immédiates de la conscience d'abord, en 1889, Matière et Mémoire ensuite, en 1896, et L'évolution créatrice, en 1907. Dans la première partie de l'introduction qu'il rédigea en janvier 1923 pour La pensée et le mouvant, Bergson indique que cette méthode, l'intuition, lui a été suggérée suite à ses découvertes sur la durée, telle que celle-ci lui semblait définir dans l'Essai d'abord notre vie intérieure. Il y a une réalité au moins que nous saisissons tous du dehors, par intuition et non pas simple analyse, c'est notre propre personne dans son écoulement à travers le temps, c'est notre moi qui dure » PM, p. 183. Dans la genèse même du bergsonisme donc, l'intuition s'est trouvée d'emblée en relation intime avec la durée, et si la prise au sérieux de la seconde a précédé celle de la première, il faut dire que l'intuition est une méthode qui est née de la durée, et lui a en fait, de part en part, été coextensive. On le sait, Bergson avoue avoir longtemps hésité avant de choisir ce terme d'intuition pour désigner le renversement de perspective qu'il avait en vue. Intuition, en effet, cela semble renvoyer à une expérience vague et encore confuse, à une expérience non encore complète, en attente d'être rendue pleine voir son statut chez Kant lui-même. Sommaire Commentaire de texte de La pensée et le mouvant, Introduction » 2e partie Extraits [...] Entre ces deux lignes extrêmes, l'intuition se meut, et ce mouvement est la métaphysique même écrivait Bergson en 1903. Insistons pour terminer sur ce point décisif en convoquant à nouveau L'évolution créatrice, chapitre Bergson en appelle ici à l'expérience de la tension et de la détente personnelle. Nous pouvons, dit- il, être plus ou moins tendus ; si nous nous détendons, nous nous replongeons dans une durée où le passé toujours en marche se grossit sans cesse d'un présent absolument nouveau. [...] [...] En revanche si aucune coïncidence n'est une coïncidence pure, les intuitions relèvent toutes de la même notion ; l'intuition de soi est l'intuition référentielle en tant qu'elle n'annule pas la différence que les autres intuitions tendent à réduire. L'intuition de soi par soi, elle qui est avant tout l'intuition, est déjà différence. Pourquoi alors la conscience immédiate de soi est-elle une quasi coïncidence ? Ce que saisit l'intuition c'est le moi en tant qu'il a ou plutôt en tant qu'il est une durée. Cette durée est une continuité, qu'il faut distinguer d'une agrégation la continuité n'est pas la répétition, mais une innovation, innovation qui n'est pas un ajout, mais une croissance par le dedans dit Bergson. [...] [...] Mais pourquoi dire alors que cette métaphysique prolongera la science du vivant ? En réalité ce que dit Bergson, c'est que la métaphysique de la vie prolonge la science du vivant, au sens où celui qui examine la science du vivant est insatisfait par ce qu'elle donne de la vie ; et en ce sens prolonger la science du vivant, c'est à la fois passer par elle et la dépasser ; ensuite si de l'intuition du vital dérive la métaphysique de la vie, c'est que celle-ci est possible en ressaisissant par la conscience l'élan de vie qui est en nous. [...] [...] Or Bergson va livrer ici un élément décisif. En effet, quelle est cette réalité qui n'est unité ni multiplicité, et qui est à la fois ce que saisit la conscience et ce que ressaisit la métaphysique de la vie, ce qui relie l'intuition infra conceptuelle et la spéculation ultra conceptuelle ? Elle est ce qui est déjà métaphysique dans l'intuition, ou ce que la métaphysique récupère de l'intuition. Bergson évoque la nature singulière de la durée en même temps que le caractère essentiellement actif de l'intuition métaphysique Il faut garder la solidarité de ces deux aspect si la durée est d'une nature singulière, ce n'est pas qu'elle est le propre exclusif du moi, mais plutôt qu'elle convient au caractère actif de l'intuition métaphysique. [...] [...] En quoi alors l'inadéquation de la science du vivant sollicite-t-elle la ressaisie par la conscience de l'élan de vie ? Au chap de l'EC Bergson déclare qu'il incombe à la philosophie de rompre avec les habitudes scientifiques, de remonter la pente de l'intelligence pour être sensible à ce à quoi la science est insensible c'est-à-dire au caractère irréductible de la durée, à l'innovation attachée à la durée, à l'imprévisibilité et à l'originalité de ce qu'apporte la durée. C'est à la philosophie dit Bergson qu'il appartient de récupérer ce à quoi l'intelligence donc la science n'accorde par d'attention c'est-à-dire la contingence de l'innovation. [...] IIILE POSSIBLE ET LE RÉEL Essai publié dans la revue suédoise Nordisk Tidskriften novembre 1930[1]. Je voudrais revenir sur un sujet dont j’ai déjà parlé, la création continue d’imprévisible nouveauté qui semble se poursuivre dans l’univers. Pour ma part, je crois l’expérimenter à chaque instant. J’ai beau me représenter le détail de ce qui va m’arriver combien ma représentation est pauvre, abstraite, schématique, en comparaison de l’événement qui se produit ! La réalisation apporte avec elle un imprévisible rien qui change tout. Je dois, par exemple, assister à une réunion ; je sais quelles personnes j’y trouverai, autour de quelle table, dans quel ordre, pour la discussion de quel problème. Mais qu’elles viennent, s’assoient et causent comme je m’y attendais, qu’elles disent ce que je pensais bien qu’elles diraient l’ensemble me donne une impression unique et neuve, comme s’il était maintenant dessiné d’un seul trait original par une main d’artiste. Adieu l’image que je m’en étais faite, simple juxtaposition, figurable par avance, de choses déjà connues ! Je veux bien que le tableau n’ait pas la valeur artistique d’un Rembrandt ou d’un Velasquez il est tout aussi inattendu et, en ce sens, aussi original. On alléguera que j’ignorais le détail des circonstances, que je ne disposais pas des personnages, de leurs gestes, de leurs attitudes, et que, si l’ensemble m’apporte du nouveau, c’est qu’il me fournit un surcroît d’éléments. Mais j’ai la même impression de nouveauté devant le déroulement de ma vie intérieure. Je l’éprouve, plus vive que jamais, devant l’action voulue par moi et dont j’étais seul maître. Si je délibère avant d’agir, les moments de la délibération s’offrent à ma conscience comme les esquisses successives, chacune seule de son espèce, qu’un peintre ferait de son tableau et l’acte lui-même, en s’accomplissant, a beau réaliser du voulu et par conséquent du prévu, il n’en a pas moins sa forme originale. — Soit, dira-t-on ; il y a peut-être quelque chose d’original et d’unique dans un état d’âme ; mais la matière est répétition ; le monde extérieur obéit à des lois mathématiques ; une intelligence surhumaine, qui connaîtrait la position, la direction et la vitesse de tous les atomes et électrons de l’univers matériel à un moment donné, calculerait n’importe quel état futur de cet univers, comme nous le faisons pour une éclipse de soleil ou de lune. — Je l’accorde, à la rigueur, s’il ne s’agit que du monde inerte, et bien que la question commence à être controversée, au moins pour les phénomènes élémentaires. Mais ce monde n’est qu’une abstraction. La réalité concrète comprend les êtres vivants, conscients, qui sont encadrés dans la matière inorganique. Je dis vivants et conscients, car j’estime que le vivant est conscient en droit ; il devient inconscient en fait là où la conscience s’endort, mais, jusque dans les régions où la conscience somnole, chez le végétal par exemple, il y a évolution réglée, progrès défini, vieillissement, enfin tous les signes extérieurs de la durée qui caractérise la conscience. Pourquoi d’ailleurs parler d’une matière inerte où la vie et la conscience s’inséreraient comme dans un cadre ? De quel droit met-on l’inerte d’abord ? Les anciens avaient imaginé une Âme du Monde qui assurerait la continuité d’existence de l’univers matériel. Dépouillant cette conception de ce qu’elle a de mythique, je dirais que le monde inorganique est une série de répétitions ou de quasi-répétitions infiniment rapides qui se somment en changements visibles et prévisibles. Je les comparerais aux oscillations du balancier de l’horloge celles-ci sont accolées à la détente continue d’un ressort qui les relie entre elles et dont elles scandent le progrès ; celles-là rythment la vie des êtres conscients et mesurent leur durée. Ainsi, l’être vivant dure essentiellement ; il dure, justement parce qu’il élabore sans cesse du nouveau et parce qu’il n’y a pas d’élaboration sans recherche, pas de recherche sans tâtonnement. Le temps est cette hésitation même, ou il n’est rien du tout. Supprimez le conscient et le vivant et vous ne le pouvez que par un effort artificiel d’abstraction, car le monde matériel, encore une fois, implique peut-être la présence nécessaire de la conscience et de la vie, vous obtenez en effet un univers dont les états successifs sont théoriquement calculables d’avance, comme les images, antérieures au déroulement, qui sont juxtaposées sur le film cinématographique. Mais alors, à quoi bon le déroulement ? Pourquoi la réalité se déploie-t-elle ? Comment n’est-elle pas déployée ? À quoi sert le temps ? Je parle du temps réel, concret, et non pas de ce temps abstrait qui n’est qu’une quatrième dimension de l’espace[2]. Tel fut jadis le point de départ de mes réflexions. Il y a quelque cinquante ans, j’étais fort attaché à la philosophie de Spencer. Je m’aperçus, un beau jour, que le temps n’y servait à rien, qu’il ne faisait rien. Or ce qui ne fait rien n’est rien. Pourtant, me disais-je, le temps est quelque chose. Donc il agit. Que peut-il bien faire ? Le simple bon sens répondait le temps est ce qui empêche que tout soit donné tout d’un coup. Il retarde, ou plutôt il est retardement. Il doit donc être élaboration. Ne serait-il pas alors véhicule de création et de choix ? L’existence du temps ne prouverait-elle pas qu’il y a de l’indétermination dans les choses ? Le temps ne serait-il pas cette indétermination même ? Si telle n’est pas l’opinion de la plupart des philosophes, c’est que l’intelligence humaine est justement faite pour prendre les choses par l’autre bout. Je dis l’intelligence, je ne dis pas la pensée, je ne dis pas l’esprit. À côté de l’intelligence il y a en effet la perception immédiate, par chacun de nous, de sa propre activité et des conditions où elle s’exerce. Appelez-la comme vous voudrez ; c’est le sentiment que nous avons d’être créateurs de nos intentions, de nos décisions, de nos actes, et par là de nos habitudes, de notre caractère, de nous-mêmes. Artisans de notre vie, artistes même quand nous le voulons, nous travaillons continuellement à pétrir, avec la matière qui nous est fournie par le passé et le présent, par l’hérédité et les circonstances, une figure unique, neuve, originale, imprévisible comme la forme donnée par le sculpteur à la terre glaise. De ce travail et de ce qu’il a d’unique nous sommes avertis, sans doute, pendant qu’il se fait, mais l’essentiel est que nous le fassions. Nous n’avons pas à l’approfondir ; il n’est même pas nécessaire que nous en ayons pleine conscience, pas plus que l’artiste n’a besoin d’analyser son pouvoir créateur ; il laisse ce soin au philosophe, et se contente de créer. En revanche, il faut que le sculpteur connaisse la technique de son art et sache tout ce qui s’en peut apprendre cette technique concerne surtout ce que son œuvre aura de commun avec d’autres ; elle est commandée par les exigences de la matière sur laquelle il opère et qui s’impose à lui comme à tous les artistes ; elle intéresse, dans l’art, ce qui est répétition ou fabrication, et non plus la création même. Sur elle se concentre l’attention de l’artiste, ce que j’appellerais son intellectualité. De même, dans la création de notre caractère, nous savons fort peu de chose de notre pouvoir créateur pour l’apprendre, nous aurions à revenir sur nous-mêmes, à philosopher, et à remonter la pente de la nature, car la nature a voulu l’action, elle n’a guère pensé à la spéculation. Dès qu’il n’est plus simplement question de sentir en soi un élan et de s’assurer qu’on peut agir, mais de retourner la pensée sur elle-même pour qu’elle saisisse ce pouvoir et capte cet élan, la difficulté devient grande, comme s’il fallait invertir la direction normale de la connaissance. Au contraire, nous avons un intérêt capital à nous familiariser avec la technique de notre action, c’est-à-dire à extraire, des conditions où elle s’exerce, tout ce qui peut nous fournir des recettes et des règles générales sur lesquelles s’appuiera notre conduite. Il n’y aura de nouveauté dans nos actes que grâce à ce que nous aurons trouvé de répétition dans les choses. Notre faculté normale de connaître est donc essentiellement une puissance d’extraire ce qu’il y a de stabilité et de régularité dans le flux du réel. S’agit-il de percevoir ? La perception se saisit des ébranlements infiniment répétés qui sont lumière ou chaleur, par exemple, et les contracte en sensations relativement invariables ce sont des trillions d’oscillations extérieures que condense à nos yeux, en une fraction de seconde, la vision d’une couleur. S’agit-il de concevoir ? Former une idée générale est abstraire des choses diverses et changeantes un aspect commun qui ne change pas ou du moins qui offre à notre action une prise invariable. La constance de notre attitude, l’identité de notre réaction éventuelle ou virtuelle à la multiplicité et à la variabilité des objets représentés, voilà d’abord ce que marque et dessine la généralité de l’idée. S’agit-il enfin de comprendre ? C’est simplement trouver des rapports, établir des relations stables entre des faits qui passent, dégager des lois opération d’autant plus parfaite que la relation est plus précise et la loi plus mathématique. Toutes ces fonctions sont constitutives de l’intelligence. Et l’intelligence est dans le vrai tant qu’elle s’attache, elle amie de la régularité et de la stabilité, à ce qu’il y a de stable et de régulier dans le réel, à la matérialité. Elle touche alors un des côtés de l’absolu, comme notre conscience en touche un autre quand elle saisit en nous une perpétuelle efflorescence de nouveauté ou lorsque, s’élargissant, elle sympathise avec l’effort indéfiniment rénovateur de la nature. L’erreur commence quand l’intelligence prétend penser un des aspects comme elle a pensé l’autre, et s’employer à un usage pour lequel elle n’a pas été faite. J’estime que les grands problèmes métaphysiques sont généralement mal posés, qu’ils se résolvent souvent d’eux-mêmes quand on en rectifie l’énoncé, ou bien alors que ce sont des problèmes formulés en termes d’illusion, et qui s’évanouissent dès qu’on regarde de près les termes de la formule. Ils naissent, en effet, de ce que nous transposons en fabrication ce qui est création. La réalité est croissance globale et indivisée, invention graduelle, durée tel, un ballon élastique qui se dilaterait peu à peu en prenant à tout instant des formes inattendues. Mais notre intelligence s’en représente l’origine et l’évolution comme un arrangement et un réarrangement de parties qui ne feraient que changer de place ; elle pourrait donc, théoriquement, prévoir n’importe quel état d’ensemble en posant un nombre défini d’éléments stables, on s’en donne implicitement, par avance, toutes les combinaisons possibles. Ce n’est pas tout. La réalité, telle que nous la percevons directement, est du plein qui ne cesse de se gonfler, et qui ignore le vide. Elle a de l’extension, comme elle a de la durée ; mais cette étendue concrète n’est pas l’espace infini et infiniment divisible que l’intelligence se donne comme un terrain où construire. L’espace concret a été extrait des choses. Elles ne sont pas en lui, c’est lui qui est en elles. Seulement, dès que notre pensée raisonne sur la réalité, elle fait de l’espace un réceptacle. Comme elle a coutume d’assembler des parties dans un vide relatif, elle s’imagine que la réalité comble je ne sais quel vide absolu. Or, si la méconnaissance de la nouveauté radicale est à l’origine des problèmes métaphysiques mal posés, l’habitude d’aller du vide au plein est la source des problèmes inexistants. Il est d’ailleurs facile de voir que la seconde erreur est déjà impliquée dans la première. Mais je voudrais d’abord la définir avec plus de précision. Je dis qu’il y a des pseudo-problèmes, et que ce sont les problèmes angoissants de la métaphysique. Je les ramène à deux. L’un a engendré les théories de l’être, l’autre les théories de la connaissance. Le premier consiste à se demander pourquoi il y a de l’être, pourquoi quelque chose ou quelqu’un existe. Peu importe la nature de ce qui est dites que c’est matière, ou esprit, ou l’un et l’autre, ou que matière et esprit ne se suffisent pas et manifestent une Cause transcendante de toute manière, quand on a considéré des existences, et des causes, et des causes de ces causes, on se sent entraîné dans une course à l’infini. Si l’on s’arrête, c’est pour échapper au vertige. Toujours on constate, on croit constater que la difficulté subsiste, que le problème se pose encore et ne sera jamais résolu. Il ne le sera jamais, en effet, mais il ne devrait pas être posé. Il ne se pose que si l’on se figure un néant qui précéderait l’être. On se dit il pourrait ne rien y avoir », et l’on s’étonne alors qu’il y ait quelque chose — ou Quelqu’un. Mais analysez cette phrase il pourrait ne rien y avoir ». Vous verrez que vous avez affaire à des mots, nullement à des idées, et que rien » n’a ici aucune signification. Rien » est un terme du langage usuel qui ne peut avoir de sens que si l’on reste sur le terrain, propre à l’homme, de l’action et de la fabrication. Rien » désigne l’absence de ce que nous cherchons, de ce que nous désirons, de ce que nous attendons. À supposer, en effet, que l’expérience nous présentât jamais un vide absolu, il serait limité, il aurait des contours, il serait donc encore quelque chose. Mais en réalité il n’y a pas de vide. Nous ne percevons et même ne concevons que du plein. Une chose ne disparaît que parce qu’une autre l’a remplacée. Suppression signifie ainsi substitution. Seulement, nous disons suppression » quand nous n’envisageons de la substitution qu’une de ses deux moitiés, ou plutôt de ses deux faces, celle qui nous intéresse ; nous marquons ainsi qu’il nous plaît de diriger notre attention sur l’objet qui est parti, et de la détourner de celui qui le remplace. Nous disons alors qu’il n’y a plus rien, entendant par là que ce qui est ne nous intéresse pas, que nous nous intéressons à ce qui n’est plus là ou à ce qui aurait pu y être. L’idée d’absence, ou de néant, ou de rien, est donc inséparablement liée à celle de suppression, réelle ou éventuelle, et celle de suppression n’est elle-même qu’un aspect de l’idée de substitution. Il y a là des manières de penser dont nous usons dans la vie pratique ; il importe particulièrement à notre industrie que notre pensée sache retarder sur la réalité et rester attachée, quand il le faut, à ce qui était ou à ce qui pourrait être, au lieu d’être accaparée par ce qui est. Mais quand nous nous transportons du domaine de la fabrication à celui de la création, quand nous nous demandons pourquoi il y a de l’être, pourquoi quelque chose ou quelqu’un, pourquoi le monde ou Dieu existe et pourquoi pas le néant, quand nous nous posons enfin le plus angoissant des problèmes métaphysiques, nous acceptons virtuellement une absurdité ; car si toute suppression est une substitution, si l’idée d’une suppression n’est que l’idée tronquée d’une substitution, alors parler d’une suppression de tout est poser une substitution qui n’en serait pas une c’est se contredire soi-même. Ou l’idée d’une suppression de tout a juste autant d’existence que celle d’un carré rond — l’existence d’un son, flatus vocis, — ou bien, si elle représente quelque chose, elle traduit un mouvement de l’intelligence qui va d’un objet à un autre, préfère celui qu’elle vient de quitter à celui qu’elle trouve devant elle, et désigne par absence du premier » la présence du second. On a posé le tout, puis on a fait disparaître, une à une, chacune de ses parties, sans consentir à voir ce qui la remplaçait c’est donc la totalité des présences, simplement disposées dans un nouvel ordre, qu’on a devant soi quand on veut totaliser les absences. En d’autres termes, cette prétendue représentation du vide absolu est, en réalité, celle du plein universel dans un esprit qui saute indéfiniment de partie à partie, avec la résolution prise de ne jamais considérer que le vide de sa dissatisfaction au lieu du plein des choses. Ce qui revient à dire que l’idée de Rien, quand elle n’est pas celle d’un simple mot, implique autant de matière que celle de Tout, avec, en plus, une opération de la pensée. J’en dirais autant de l’idée de désordre. Pourquoi l’univers est-il ordonné ? Comment la règle s’impose-t-elle à l’irrégulier, la forme à la matière ? D’où vient que notre pensée se retrouve dans les choses ? Ce problème, qui est devenu chez les modernes le problème de la connaissance après avoir été, chez les anciens, le problème de l’être, est né d’une illusion du même genre. Il s’évanouit si l’on considère que l’idée de désordre a un sens défini dans le domaine de l’industrie humaine ou, comme nous disons, de la fabrication, mais non pas dans celui de la création. Le désordre est simplement l’ordre que nous ne cherchons pas. Vous ne pouvez pas supprimer un ordre, même par la pensée, sans en faire surgir un autre. S’il n’y a pas finalité ou volonté, c’est qu’il y a mécanisme ; si le mécanisme fléchit, c’est au profit de la volonté, du caprice, de la finalité. Mais lorsque vous vous attendez à l’un de ces deux ordres et que vous trouvez l’autre, vous dites qu’il y a désordre, formulant ce qui est en termes de ce qui pourrait ou devrait être, et objectivant votre regret. Tout désordre comprend ainsi deux choses en dehors de nous, un ordre ; en nous, la représentation d’un ordre différent qui est seul à nous intéresser. Suppression signifie donc encore substitution. Et l’idée d’une suppression de tout ordre, c’est-à-dire d’un désordre absolu, enveloppe alors une contradiction véritable, puisqu’elle consiste à ne plus laisser qu’une seule face à l’opération qui, par hypothèse, en comprenait deux. Ou l’idée de désordre absolu ne représente qu’une combinaison de sons, flatus vocis, ou, si elle répond à quelque chose, elle traduit un mouvement de l’esprit qui saute du mécanisme à la finalité, de la finalité au mécanisme, et qui, pour marquer l’endroit où il est, aime mieux indiquer chaque fois le point où il n’est pas. Donc, à vouloir supprimer l’ordre, vous vous en donnez deux ou plusieurs. Ce qui revient à dire que la conception d’un ordre venant se surajouter à une absence d’ordre » implique une absurdité, et que le problème s’évanouit. Les deux illusions que je viens de signaler n’en font réellement qu’une. Elles consistent à croire qu’il y a moins dans l’idée du vide que dans celle du plein, moins dans le concept de désordre que dans celui d’ordre. En réalité, il y a plus de contenu intellectuel dans les idées de désordre et de néant, quand elles représentent quelque chose, que dans celles d’ordre et d’existence, parce qu’elles impliquent plusieurs ordres, plusieurs existences et, en outre, un jeu de l’esprit qui jongle inconsciemment avec eux. Eh bien, je retrouve la même illusion dans le cas qui nous occupe. Au fond des doctrines qui méconnaissent la nouveauté radicale de chaque moment de l’évolution il y a bien des malentendus, bien des erreurs. Mais il y a surtout l’idée que le possible est moins que le réel, et que, pour cette raison, la possibilité des choses précède leur existence. Elles seraient ainsi représentables par avance elles pourraient être pensées avant d’être réalisées. Mais c’est l’inverse qui est la vérité. Si nous laissons de côté les systèmes clos, soumis à des lois purement mathématiques, isolables parce que la durée ne mord pas sur eux, si nous considérons l’ensemble de la réalité concrète ou tout simplement le monde de la vie, et à plus forte raison celui de la conscience, nous trouvons qu’il y a plus, et non pas moins, dans la possibilité de chacun des états successifs que dans leur réalité. Car le possible n’est que le réel avec, en plus, un acte de l’esprit qui en rejette l’image dans le passé une fois qu’il s’est produit. Mais c’est ce que nos habitudes intellectuelles nous empêchent d’apercevoir. Au cours de la grande guerre, des journaux et des revues se détournaient parfois des terribles inquiétudes du présent pour penser à ce qui se passerait plus tard, une fois la paix rétablie. L’avenir de la littérature, en particulier, les préoccupait. On vint un jour me demander comment je me le représentais. Je déclarai, un peu confus, que je ne me le représentais pas. N’apercevez-vous pas tout au moins, me dit-on, certaines directions possibles ? Admettons qu’on ne puisse prévoir le détail ; vous avez du moins, vous philosophe, une idée de l’ensemble. Comment concevez-vous, par exemple, la grande œuvre dramatique de demain ? » Je me rappellerai toujours la surprise de mon interlocuteur quand je lui répondis Si je savais ce que sera la grande œuvre dramatique de demain, je la ferais. » Je vis bien qu’il concevait l’œuvre future comme enfermée, dès alors, dans je ne sais quelle armoire aux possibles ; je devais, en considération de mes relations déjà anciennes avec la philosophie, avoir obtenu d’elle la clef de l’armoire. Mais, lui dis-je, l’œuvre dont vous parlez n’est pas encore possible. » — Il faut pourtant bien qu’elle le soit, puisqu’elle se réalisera. » — Non, elle ne l’est pas. Je vous accorde, tout au plus, qu’elle l’aura été. » — Qu’entendez-vous par là ? » — C’est bien simple. Qu’un homme de talent ou de génie surgisse, qu’il crée une œuvre la voilà réelle et par là même elle devient rétrospectivement ou rétroactivement possible. Elle ne le serait pas, elle ne l’aurait pas été, si cet homme n’avait pas surgi. C’est pourquoi je vous dis qu’elle aura été possible aujourd’hui, mais qu’elle ne l’est pas encore. » — C’est un peu fort ! Vous n’allez pas soutenir que l’avenir influe sur le présent, que le présent introduit quelque chose dans le passé, que l’action remonte le cours du temps et vient imprimer sa marque en arrière ? » — Cela dépend. Qu’on puisse insérer du réel dans le passé et travailler ainsi à reculons dans le temps, je ne l’ai jamais prétendu. Mais qu’on y puisse loger du possible, ou plutôt que le possible aille s’y loger lui-même à tout moment, cela n’est pas douteux. Au fur et à mesure que la réalité se crée, imprévisible et neuve, son image se réfléchit derrière elle dans le passé indéfini ; elle se trouve ainsi avoir été, de tout temps, possible ; mais c’est à ce moment précis qu’elle commence à l’avoir toujours été, et voilà pourquoi je disais que sa possibilité, qui ne précède pas sa réalité, l’aura précédée une fois la réalité apparue. Le possible est donc le mirage du présent dans le passé ; et comme nous savons que l’avenir finira par être du présent, comme l’effet de mirage continue sans relâche à se produire, nous nous disons que dans notre présent actuel, qui sera le passé de demain, l’image de demain est déjà contenue quoique nous n’arrivions pas à la saisir. Là est précisément l’illusion. C’est comme si l’on se figurait, en apercevant son image dans le miroir devant lequel on est venu se placer, qu’on aurait pu la toucher si l’on était resté derrière. En jugeant d’ailleurs ainsi que le possible ne présuppose pas le réel, on admet que la réalisation ajoute quelque chose à la simple possibilité le possible aurait été là de tout temps, fantôme qui attend son heure ; il serait donc devenu réalité par l’addition de quelque chose, par je ne sais quelle transfusion de sang ou de vie. On ne voit pas que c’est tout le contraire, que le possible implique la réalité correspondante avec, en outre, quelque chose qui s’y joint, puisque le possible est l’effet combiné de la réalité une fois apparue et d’un dispositif qui la rejette en arrière. L’idée, immanente à la plupart des philosophies et naturelle à l’esprit humain, de possibles qui se réaliseraient par une acquisition d’existence, est donc illusion pure. Autant vaudrait prétendre que l’homme en chair et en os provient de la matérialisation de son image aperçue dans le miroir, sous prétexte qu’il y a dans cet homme réel tout ce qu’on trouve dans cette image virtuelle avec, en plus, la solidité qui fait qu’on peut la toucher. Mais la vérité est qu’il faut plus ici pour obtenir le virtuel que le réel, plus pour l’image de l’homme que pour l’homme même, car l’image de l’homme ne se dessinera pas si l’on ne commence par se donner l’homme, et il faudra de plus un miroir. » C’est ce qu’oubliait mon interlocuteur quand il me questionnait sur le théâtre de demain. Peut-être aussi jouait-il inconsciemment sur le sens du mot possible ». Hamlet était sans doute possible avant d’être réalisé, si l’on entend par là qu’il n’y avait pas d’obstacle insurmontable à sa réalisation. Dans ce sens particulier, on appelle possible ce qui n’est pas impossible et il va de soi que cette non-impossibilité d’une chose est la condition de sa réalisation. Mais le possible ainsi entendu n’est à aucun degré du virtuel, de l’idéalement préexistant. Fermez la barrière, vous savez que personne ne traversera la voie il ne suit pas de là que vous puissiez prédire qui la traversera quand vous ouvrirez. Pourtant du sens tout négatif du terme possible » vous passez subrepticement, inconsciemment, au sens positif. Possibilité signifiait tout à l’heure absence d’empêchement » ; vous en faites maintenant une préexistence sous forme d’idée », ce qui est tout autre chose. Au premier sens du mot, c’était un truisme de dire que la possibilité d’une chose précède sa réalité vous entendiez simplement par là que les obstacles, ayant été surmontés, étaient surmontables[3]. Mais, au second sens, c’est une absurdité, car il est clair qu’un esprit chez lequel le Hamlet de Shakespeare se fût dessiné sous forme de possible en eût par là créé la réalité c’eût donc été, par définition, Shakespeare lui-même. En vain vous vous imaginez d’abord que cet esprit aurait pu surgir avant Shakespeare c’est que vous ne pensez pas alors à tous les détails du drame. Au fur et à mesure que vous les complétez, le prédécesseur de Shakespeare se trouve penser tout ce que Shakespeare pensera, sentir tout ce qu’il sentira, savoir tout ce qu’il saura, percevoir donc tout ce qu’il percevra, occuper par conséquent le même point de l’espace et du temps, avoir le même corps et la même âme c’est Shakespeare lui-même. Mais j’insiste trop sur ce qui va de soi. Toutes ces considérations s’imposent quand il s’agit d’une œuvre d’art. Je crois qu’on finira pas trouver évident que l’artiste crée du possible en même temps que du réel quand il exécute son œuvre. D’où vient donc qu’on hésitera probablement à en dire autant de la nature ? Le monde n’est-il pas une œuvre d’art, incomparablement plus riche que celle du plus grand artiste ? Et n’y a-t-il pas autant d’absurdité, sinon davantage, à supposer ici que l’avenir se dessine d’avance, que la possibilité préexistait à la réalité ? Je veux bien, encore une fois, que les états futurs d’un système clos de points matériels soient calculables, et par conséquent visibles dans son état présent. Mais, je le répète, ce système est extrait ou abstrait d’un tout qui comprend, outre la matière inerte et inorganisée, l’organisation. Prenez le monde concret et complet, avec la vie et la conscience qu’il encadre ; considérez la nature entière, génératrice d’espèces nouvelles aux formes aussi originales et aussi neuves que le dessin de n’importe quel artiste ; attachez-vous, dans ces espèces, aux individus, plantes ou animaux, dont chacun a son caractère propre — j’allais dire sa personnalité car un brin d’herbe ne ressemble pas plus à un autre brin d’herbe qu’un Raphaël à un Rembrandt ; haussez-vous, par-dessus l’homme individuel, jusqu’aux sociétés qui déroulent des actions et des situations comparables à celles de n’importe quel drame comment parler encore de possibles qui précéderaient leur propre réalisation ? Comment ne pas voir que si l’événement s’explique toujours, après coup, par tels ou tels des événements antécédents, un événement tout différent se serait aussi bien expliqué, dans les mêmes circonstances, par des antécédents autrement choisis — que dis-je ? par les mêmes antécédents autrement découpés, autrement distribués, autrement aperçus enfin par l’attention rétrospective ? D’avant en arrière se poursuit un remodelage constant du passé par le présent, de la cause par l’effet. Nous ne le voyons pas, toujours pour la même raison, toujours en proie à la même illusion, toujours parce que nous traitons comme du plus ce qui est du moins, comme du moins ce qui est du plus. Remettons le possible à sa place l’évolution devient tout autre chose que la réalisation d’un programme les portes de l’avenir s’ouvrent toutes grandes ; un champ illimité s’offre à la liberté. Le tort des doctrines, — bien rares dans l’histoire de la philosophie, — qui ont su faire une place à l’indétermination et à la liberté dans le monde, est de n’avoir pas vu ce que leur affirmation impliquait. Quand elles parlaient d’indétermination, de liberté, elles entendaient par indétermination une compétition entre des possibles, par liberté un choix entre les possibles, — comme si la possibilité n’était pas créée par la liberté même ! Comme si toute autre hypothèse, en posant une préexistence idéale du possible au réel, ne réduisait pas le nouveau à n’être qu’un réarrangement d’éléments anciens ! comme si elle ne devait pas être amenée ainsi, tôt ou tard, à le tenir pour calculable et prévisible ! En acceptant le postulat de la théorie adverse, on introduisait l’ennemi dans la place. Il faut en prendre son parti c’est le réel qui se fait possible, et non pas le possible qui devient réel. Mais la vérité est que la philosophie n’a jamais franchement admis cette création continue d’imprévisible nouveauté. Les anciens y répugnaient déjà, parce que, plus ou moins platoniciens, ils se figuraient que l’Être était donné une fois pour toutes, complet et parfait, dans l’immuable système des Idées le monde qui se déroule à nos yeux ne pouvait donc rien y ajouter ; il n’était au contraire que diminution ou dégradation ; ses états successifs mesureraient l’écart croissant ou décroissant entre ce qu’il est, ombre projetée dans le temps, et ce qu’il devrait être, Idée assise dans l’éternité ; ils dessineraient les variations d’un déficit, la forme changeante d’un vide. C’est le Temps qui aurait tout gâté. Les modernes se placent, il est vrai, à un tout autre point de vue. Ils ne traitent plus le Temps comme un intrus, perturbateur de l’éternité ; mais volontiers ils le réduiraient à une simple apparence. Le temporel n’est alors que la forme confuse du rationnel. Ce qui est perçu par nous comme une succession d’états est conçu par notre intelligence, une fois le brouillard tombé, comme un système de relations. Le réel devient encore une fois l’éternel, avec cette seule différence que c’est l’éternité des Lois en lesquelles les phénomènes se résolvent, au lieu d’être l’éternité des Idées qui leur servent de modèle. Mais, dans un cas comme dans l’autre, nous avons affaire à des théories. Tenons-nous-en aux faits. Le Temps est immédiatement donné. Cela nous suffit, et, en attendant qu’on nous démontre son inexistence ou sa perversité, nous constaterons simplement qu’il y a jaillissement effectif de nouveauté imprévisible. La philosophie y gagnera de trouver quelque absolu dans le monde mouvant des phénomènes. Mais nous y gagnerons aussi de nous sentir plus joyeux et plus forts. Plus joyeux, parce que la réalité qui s’invente sous nos yeux donnera à chacun de nous, sans cesse, certaines des satisfactions que l’art procure de loin en loin aux privilégiés de la fortune ; elle nous découvrira, par delà la fixité et la monotonie qu’y apercevaient d’abord nos sens hypnotisés par la constance de nos besoins, la nouveauté sans cesse renaissante, la mouvante originalité des choses. Mais nous serons surtout plus forts, car à la grande œuvre de création qui est à l’origine et qui se poursuit sous nos yeux nous nous sentirons participer, créateurs de nous-mêmes. Notre faculté d’agir, en se ressaisissant, s’intensifiera. Humiliés jusque-là dans une attitude d’obéissance, esclaves de je ne sais quelles nécessités naturelles, nous nous redresserons, maîtres associés à un plus grand Maître. Telle sera la conclusion de notre étude. Gardons-nous de voir un simple jeu dans une spéculation sur les rapports du possible et du réel. Ce peut être une préparation à bien vivre. ↑ Cet article était le développement de quelques vues présentées à l’ouverture du meeting philosophique » d’Oxford, le 24 septembre 1920. En l’écrivant pour la revue suédoise Nordisk Tidskrift, nous voulions témoigner du regret que nous éprouvions de ne pouvoir aller faire une conférence à Stockholm, selon l’usage, à l’occasion du prix Nobel. L’article n’a paru, jusqu’à présent, qu’en langue suédoise. ↑ Nous avons montré en effet, dans notre Essai sur les données immédiates de la conscience, Paris, 1889, p. 82, que le Temps mesurable pouvait être considéré comme une quatrième dimension de l’Espace ». Il s’agissait, bien entendu, de l’Espace pur, et non pas de l’amalgame Espace-Temps de la théorie de la Relativité, qui est tout autre chose. ↑ Encore faut-il se demander dans certains cas si les obstacles ne sont pas devenus surmontables grâce à l’action créatrice qui les a surmontés l’action, imprévisible en elle-même, aurait alors créé la surmontabilité ». Avant elle, les obstacles étaient insurmontables, et, sans elle, ils le seraient restés. Unit 1 - Corpus Sujets - 1 Sujet La matière et l'esprit Corrigé 25 La raison et le réel phiT_1211_11_03C Nouvelle-Calédonie • Novembre 2012 explication de texte • Série L > Expliquer le texte suivant Celui qui pourrait regarder à l'intérieur d'un cerveau en pleine activité, suivre le va-et-vient des atomes et interpréter tout ce qu'ils font, celui-là saurait sans doute quelque chose de ce qui se passe dans l'esprit, mais il n'en saurait que peu de chose. Il en connaîtrait tout juste ce qui est exprimable en gestes, attitudes et mouvements du corps, ce que l'état d'âme contient d'action en voie d'accomplissement, ou simplement naissante le reste lui échapperait. Il serait, vis-à-vis des pensées et des sentiments qui se déroulent à l'intérieur de la conscience, dans la situation du spectateur qui voit distinctement tout ce que les acteurs font sur la scène, mais n'entend pas un mot de ce qu'ils disent. Sans doute, le va-et-vient des acteurs, leurs gestes et leurs attitudes, ont leur raison d'être dans la pièce qu'ils jouent ; et si nous connaissons le texte, nous pouvons prévoir à peu près le geste ; mais la réciproque n'est pas vraie, et la connaissance des gestes ne nous renseigne que fort peu sur la pièce, parce qu'il y a beaucoup plus dans une fine comédie que les mouvements par lesquels on la scande. Ainsi, je crois que si notre science du mécanisme cérébral était parfaite, et parfaite aussi notre psychologie, nous pourrions deviner ce qui se passe dans le cerveau pour un état d'âme déterminé ; mais l'opération inverse serait impossible, parce que nous aurions le choix, pour un même état du cerveau, entre une foule d'états d'âme différents, également appropriés. Henri Bergson, L'Énergie spirituelle, 1919. Dégager la problématique du texte Nous pouvons, en neurosciences, observer les mouvements du cerveau aussi bien lorsqu'il y a une perception que lorsqu'il y a une action commandée. Pouvons-nous dire pour autant que nous sommes capables de décrire les mouvements de l'esprit ? Ce texte questionne la relation entre le cerveau et la pensée, et plus généralement entre le corps et l'âme s'agit-il d'une même substance ? S'agit-il de deux substances qui agissent en parallèle ? La pensée est-elle logée dans le cerveau comme dans un lieu ou au contraire est-ce qu'elle l'enveloppe ou le déborde ? Repérer la structure du texte et les procédés d'argumentation Pour y répondre Bergson procède en trois parties. Il commence par imaginer l'expérimentation parfaite qui permettrait d'observer tous les mouvements du cerveau elle ne permettrait pas de saisir l'ensemble des mouvements de l'âme. Il explique alors, dans un deuxième moment, ce qu'on pourrait y voir à l'aide d'une comparaison l'observateur, qui cherche à comprendre l'esprit par l'observation des mouvements du cerveau, serait comme l'observateur d'une pièce de théâtre dont on aurait coupé le son. Il conclut alors que les mouvements de l'âme débordent toujours ceux du cerveau. Éviter les erreurs Ce texte semble, par la richesse de ses images, facile à comprendre. Or il engage des problèmes métaphysiques très complexes sur la relation entre l'âme et le corps, la pensée et le cerveau. Il implique de se dégager de tout a priori purement matérialiste ou au contraire purement spiritualiste, dans la mesure où Bergson pose une thèse tout à fait originale il existe un cerveau matériel mais aussi une conscience en interaction avec lui, sans pour autant que l'un se confonde avec l'autre. Introduction Si l'on peut observer des mouvements dans le cerveau d'un individu chaque fois qu'il perçoit quelque chose ou qu'il commande par exemple à son corps de marcher, peut-on pour autant identifier l'activité cérébrale et la pensée ? C'est à cette question de la relation entre l'âme et le cerveau que Bergson tente d'apporter des réponses, avec cet extrait de L'Énergie spirituelle. La pensée se confond-elle avec celle du cerveau ? Si ce n'est pas le cas, est-elle une activité parallèle à celle du cerveau, en est-elle un épiphénomène, ou bien encore une activité radicalement différente ? Il ne s'agit pas pour Bergson de nier certaines corrélations entre l'esprit et la matière, ni même de minimiser les progrès de la science mais de montrer que l'activité de la pensée ne se limite pas à celle du cerveau. Pour cela, il commence par décrire ce que l'on peut observer d'un point de vue strictement matériel dans un cerveau aussi parfaite que puisse être une expérience, elle ne peut rendre compte de toute l'activité de l'esprit. Pour le comprendre, il établit une comparaison dans une seconde partie entre le cerveau et une scène de théâtre dont on ne pourrait que voir bouger les acteurs sans les entendre. Il conclut alors dans un troisième temps que l'action de l'âme dépasse celle du cerveau. 1. La vision du neurologue sur le cerveau informe peu sur l'activité de l'esprit A. On peut repérer certains mouvements matériels du cerveau Bergson imagine que l'on puisse observer à l'intérieur d'un cerveau les différents mouvements de la matière jusque dans leurs plus petites parties, les atomes. Cette idée semble concevable aujourd'hui avec les techniques d'imagerie médicale qui permettent déjà d'appréhender certaines variations. Le cerveau est la partie du corps qui constitue le centre neurologique à son endroit se relient les mouvements nerveux centrifuges et centripètes, centre de réception des sensations et centre de commandement des actions. Il y a donc un endroit, un lieu où se localisent dans le corps la réception d'images de la réalité extérieure et le point moteur de l'action. En ce sens par exemple, le docteur Broca a établi en 1861, à partir de l'étude d'un patient aphasique, qu'à un endroit particulier du cerveau, que l'on appelle depuis l'aire de Broca, se trouve le centre des commandes du langage. B. Mais ils ne se confondent pas avec ceux de l'esprit On pourrait alors imaginer que, si on peut localiser dans le cerveau ce qui provoque des représentations et nous engage à parler, si on peut localiser et observer ce qui est source et expression de la pensée, alors on pourrait, avec un outillage perfectionné, savoir ce qui se passe dans l'esprit. Or, dit Bergson, cet observateur privilégié n'en saurait finalement que peu de choses. Pourquoi ? Parce qu'il convient de distinguer justement l'esprit de ses effets matériels. L'esprit ne se confond pas avec ce qui est exprimable en geste », il semblerait y avoir tout un domaine inexprimable, dont on ne peut rendre compte matériellement. Il y a bien de l'âme une partie qui se répercute dans l'action naissante, le moment où l'âme impulse un nouveau mouvement. Mais tout le reste lui échapperait ». Tout ce qui de l'esprit n'est pas immédiatement réinjecté, actualisé, dans un mouvement matériel, demeure inconnu pour l'observateur du cerveau, aussi parfaite que soit son imagerie médicale. [Transition] Mais quel est donc cet excédent qui ne se matérialise pas et que l'on ne peut repérer par l'expérimentation scientifique ? 2. Le cerveau est comme la scène d'un théâtre dont on n'entend pas le son A. Observer les mouvements du cerveau, c'est comme regarder une pièce sans le son Pour y répondre Bergson va utiliser une analogie entre le rapport du cerveau à l'esprit et celui des gestes vus sur une scène de théâtre au sens même de la pièce. En effet, celui qui veut comprendre la pensée d'un homme en regardant simplement les scanners que l'on a pu faire de son cerveau, serait comme celui qui tenterait de comprendre une pièce de théâtre alors même qu'il n'y aurait pas de son. Il ne verrait que des mouvements, des gestes, mais le sens et la signification lui échapperaient dans bien des cas. De la même manière, les images des cerveaux peuvent parfois coïncider avec, par exemple, un ordre donné par l'âme ou une émotion ressentie lors d'une sensation, mais en aucun cas elles ne donnent accès à l'interprétation que l'on peut en faire. On peut observer que certaines zones du cerveau réagissent lorsque l'individu regarde une œuvre d'art, mais finalement, on n'est pas renseigné sur ce qu'il en pense, s'il la trouve belle ou laide, si elle lui rappelle des souvenirs et lesquels, ou si au contraire, cette œuvre lui donne des idées de projets. B. Le sens profond de la pièce dépasse les simples gestes comme les mouvements de la conscience échappent aux simples mouvements du cerveau Bien sûr, il y a une relation de cause à effet entre le sens de la pièce et le va-et-vient » des acteurs, leur comportement. C'est bien le sens de la pièce, son écriture ou le scénario, qui guide le comportement, le jeu des acteurs, leurs gestes et déplacements. Tel scénario peut impliquer telle action sur scène mais a contrario, tel geste peut renvoyer à plusieurs causes différentes. Le fait qu'un personnage indique à un autre où se trouve un objet engage très certainement qu'il tende la main dans cette direction. Il y a bien en ce sens relation de cause à effet, de la même manière qu'un mouvement de l'aire Broca indique qu'un homme va se mettre à parler. En revanche la réciproque n'est pas vraie » l'observation sans le son d'une main tendue ne nous renseigne pas sur l'intention du personnage. Elle peut par exemple désigner une blessure, une menace de gifle, le fait qu'elle soit vide, ou encore la possibilité d'aider l'autre… Le simple fait de voir un geste ne nous renseigne que fort peu sur la pièce », c'est-à-dire que les gestes ne sont pas porteurs de sens indépendamment du contexte dans lequel ils se déploient, et ce contexte est lui-même tributaire des dialogues entre les personnages. De la même manière un mouvement de l'aire de Broca ne présume en rien du contenu de ce que va dire l'individu qui parle. [Transition] Mais si les mouvements d'un cerveau ne permettent pas de décrire les mouvements de l'âme, est-ce à dire que leurs actions sont indépendantes ? 3. Ainsi l'action de l'âme dépasse celle du cerveau A. Un mécanisme cérébral peut rendre compte d'un état psychique Monisme Thèse philosophique selon laquelle tout ce qui existe – l'univers, le cosmos, le monde – est essentiellement un tout unique. Il ne s'agit pas de nier l'interaction entre le cerveau et la pensée, entre la matière et l'esprit, et en cela la philosophie de Bergson n'est pas un monisme. En effet, si nous avions d'un côté une connaissance parfaite de ce qui se passe matériellement dans un cerveau, c'est-à-dire une science du mécanisme cérébral », et d'un autre côté, une connaissance parfaite des mouvements de l'âme d'un individu, de ses pensées, c'est-à-dire une parfaite psychologie », alors peut-être que nous pourrions établir une correspondance entre les mouvements du premier qui exprimeraient les mouvements du second. On pourrait retrouver pour un état d'âme précis la cause matérielle dans le cerveau. Est-ce que cerveau et esprit agissent de manière parallèle, se faisant écho comme par une harmonie préétablie » selon l'expression de Leibniz ? B. Mais la réciproque n'est pas vraie C'est justement la critique de toutparallélisme qu'entend faire ici Bergson. En effet, si à un certain mouvement de l'âme correspond un certain mouvement du cerveau, la réciproque n'est pas vraie. Un mouvement précis du cerveau peut renvoyer à une infinité de mouvements différents de l'âme, de la même manière qu'un geste sur une scène de théâtre peut avoir une multiplicité d'interprétations possibles. Ainsi l'action de l'esprit, si elle se trouve mêlée à celle du cerveau, ne peut pas pour autant lui être totalement superposable. L'action de l'âme déborde de loin celle de l'activité cérébrale. Cela laisse envisager la possibilité pour l'âme de survivre au corps, autrement dit d'accéder à l'immortalité. Pour rendre compte du rapport entre le cerveau et la pensée, Bergson a recours par ailleurs dans le même ouvrage, à une image le cerveau est comme le clou qui soutient un manteau, équivalant de l'âme. On ne peut nier que le cerveau ne doit pas être endommagé pour que la pensée se fasse correctement. Des accidents témoignent des troubles psychiques engendrés par des lésions cérébrales. De la même manière on ne peut nier que sans le clou, le manteau tombe, mais l'on ne peut affirmer que la forme du clou détermine toute la forme du manteau. Ainsi le cerveau constitue bien une condition pour que la conscience puisse agir, mais en aucun cas il ne constitue une condition suffisante, il n'en est pas la cause. Conclusion À la question de savoir quels sont les rapports de la conscience et du cerveau, Bergson répond par une réfutation du matérialisme l'esprit ne peut en être un simple épiphénomène, une simple fonction secondaire. Il ne nie pas pour autant l'activité cérébrale et ses interactions avec la pensée, et en cela il n'est pas purement spiritualiste. Grâce à l'image de la pièce de théâtre, il montre alors qu'il ne s'agit pas d'un simple parallélisme entre esprit et cerveau car si, à un mouvement précis de l'âme peut correspondre un certain mouvement du cerveau, la réciproque n'est pas vraie un mouvement du cerveau peut évoquer une multitude de variations psychologiques. Ainsi l'âme déborde toujours sur le corps et, par là même, la métaphysique est possible.

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